mardi 24 mars 2009

OPINION : Le silence sur la réduction des risques n’est pas acceptable

[source: Association genevoise de réduction des risques liés aux drogues]

En 1998, l’Assemblée générale des Nations Unies a tenu une session spéciale sur le problème mondial de la drogue. A cette époque, le lien entre drogues et VIH était peu débattu. Aujourd’hui, on estime à 16 millions le nombre de consommateurs de drogues injectables dans le monde, dont 3 millions sont séropositifs. Tout débat portant sur les drogues ne peut ignorer les besoins et les droits humains de ces personnes.

Au fil des années, le problème du VIH chez les consommateurs de drogues (en particulier les consommateurs de drogues injectables) s’est accentué. Cependant, les actions menées à l’échelle mondiale ne se sont pas appuyées sur des preuves scientifiques et la réduction des risques a été largement ignorée.

Les programmes de réduction des risques incluent l’accès à du matériel d’injection stérile, à des traitements de substitution des opioïdes, à des préservatifs, à des traitements des IST, à une information sur la transmission du VIH par voie sexuelle et à des activités de proximité s’appuyant sur les communautés. Ce sont les moyens qui permettent de réduire le plus efficacement les comportements à risque en matière d’exposition au VIH. Ils évitent la transmission non seulement du VIH, mais également du virus de l’hépatite C et des autres virus véhiculés par le sang.

Les pays ont trop souvent adopté une approche unidimensionnelle basée sur la réduction de la demande ou de l’offre. Or, le mot « uniquement » n’a pas sa place dans les programmes de prévention, de traitement et de prise en charge médico-sociale du VIH. Il est également prouvé que les programmes axés « uniquement » sur un aspect du problème de la consommation de drogues ne produisent pas de bons résultats.

Les pays qui ont adopté une approche globale de la question du VIH et de la consommation de drogues ont enregistré un ralentissement, voire une diminution, de la propagation du VIH chez les consommateurs de drogues injectables. Parmi ces pays figurent l’Australie, le Royaume-Uni, la France, l’Italie, l’Espagne et le Brésil ; cela concerne également certaines grandes villes du Bangladesh, de la Fédération de Russie et d’Ukraine. Depuis quelques années, des pays comme l’Indonésie ou la Chine développent l’accès aux programmes de réduction des risques pour les consommateurs de drogues injectables.

Aucune conséquence négative imprévue, telle une augmentation de l’initiation aux drogues injectables ou de la durée et de la fréquence de la consommation de telles drogues, n’a été mise en évidence. Au contraire, les pays ayant adopté cette approche de la prévention du VIH fondée sur la santé publique auprès des consommateurs de drogues injectables enregistrent souvent les meilleurs résultats dans l’inversion du cours de l’épidémie.

Les effets largement bénéfiques des programmes de réduction des risques contrastent avec l’impact limité des approches uniquement répressives sur la réduction de la consommation de drogues et des crimes liés à cette consommation. En outre, ces approches vont souvent de pair avec de graves atteintes aux droits de l’homme et des résultats médiocres sur le plan sanitaire pour les consommateurs de drogues. Parmi ces violations des droits de l’homme figurent des arrestations arbitraires, des détentions prolongées, un fichage obligatoire des consommateurs, ainsi qu’un usage injustifié de la force et un harcèlement par les officiers de police. La possession et la distribution d’aiguilles et de seringues stériles constituent parfois une infraction aux lois sur les drogues et il arrive que les substituts des opioïdes soient classés parmi les substances illicites, alors que la méthadone et la buprénorphine figurent toutes deux dans la liste modèle des médicaments essentiels de l’OMS.

Ces mesures renforcent la stigmatisation des consommateurs de drogues injectables, dissuadent ces personnes de se tourner vers certains services (notamment pour des traitements de la dépendance ou du VIH) et peuvent engendrer des hésitations de la part des professionnels de la santé et du secteur social à proposer des services aux consommateurs de drogues. En revanche, lorsque les actions de répression et de santé publique vont de pair, les effets sont très positifs, à l’image des résultats obtenus en Grande Bretagne et en Australie, où la brigade des stupéfiants centre son travail sur la lutte contre le crime tout en dirigeant les consommateurs de drogues vers les services de santé et les services sociaux. Le temps est venu de collaborer et non pas de travailler les uns contre les autres.

Avoir accès à des aiguilles stériles ou à des traitements de substitution ne devrait pas être considéré comme un délit. Le problème de la drogue touche le monde entier et ne peut pas être résolu de manière isolée. Il est urgent que les organisations travaillant sur la lutte contre la drogue et sur le sida joignent leurs efforts. Grâce à cette collaboration, le monde aura plus de chances d’adopter des solutions susceptibles de sauver des vies.

Les pays dans lesquels on trouve le plus de consommateurs de drogues injectables séropositifs se situent en Europe orientale, en Asie de l’Est et du Sud-Est, ainsi qu’en Amérique latine. Dans ces régions, on estime à 40% la prévalence du VIH dans certaines populations. De nouvelles épidémies liées à l’injection de drogues sont également en train d’apparaître en Afrique subsaharienne. Dès qu’une personne est contaminée par le VIH dans une population de consommateurs de drogues injectables, le virus peut se propager très rapidement. Des prévalences du VIH passant de 5% à 50% ont été observées parmi des consommateurs de drogues injectables dans certains environnements ; le VIH peut en outre être transmis par ces personnes à leurs partenaires sexuels ou à d’autres populations plus exposées au risque de contamination.

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